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Je Maintiendrai

"... Le refus de la politique militante, le privilège absolu concédé à la littérature, la liberté de l'allure, le style comme une éthique, la continuité d'une recherche". Pol Vandromme

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Tuesday, November 14, 2006

RETRATOS DE TRABALHO III - CONTI
“…II n'avait pas encore quarante-cinq ans. Sa figure avait été charmante. Jusqu'aux défauts de son corps et de son esprit avaient des graces infinies: des epaules trop hautes, la tête un peu penchée de coté, un rire qui eut tenu du braire dans un autre, enfin une distraction étrange. Galant avec toutes les femmes, amoureux de plusieurs, bien traité de beaucoup, il était encore coquet avec tous les hommes: il prenait a tache de plaire au cordonnier, au laquais, au porteur de chaise, comme au ministre d'Etat, au grand seigneur, au general d'armée, et si naturellement que le succés en était certain. II fut aussi les constantes délices du monde, de la cour, des armées, la divinité du peuple, 1'idole des soldats, le heros des officiers, l'esperance de ce qu'il y avait de plus distingué, l'amour du Parlement, l'ami avec discernement des savants, et souvent l'admiration de la Sorbonne, des jurisconsultes, des astronomes et des mathematiciens les plus profonds. C'etait un trés bel esprit, lumineux, juste, exact, vaste, étendu, d'une lecture infinie, qui n'oubliait rien, qui possedait les histoires generales et particulières, qui connaissait les genealogies, leurs chimères et leurs realités, qui savait oú il avait appris chaque chose et chaque fait, qui en discernait les sources, et qui retenait et jugeait de même tout ce que la conversation lui avait appris, sans confusion, sans mélange, sans méprise, avec une singulière netteté…Chez lui, l'utile et le futile, l'agréable et le savant, tout était distinct et en sa place. Il avait des amis: il savait les choisir, les cultiver, les visiter, vivre avec eux, se mettre a leur niveau sans hauteur et sans bassesse. II avait aussi des amies independamment d'amour. Il en fût accusé de plus d'une sorte, et c'etait un de ses prétendus rapports avec César. Doux jusqu'à être complaisant dans le commerce, extremement poli, mais d'une politesse distinguée selon le rang, l'âge, le mérite, et mesure avec tous, il ne dérobait rien a personne; il rendait tout ce que les princes du sang doivent, et qu'ils ne rendent plus; il s'en expliquait même, et sur leurs usurpations, et sur 1'histoire des usages et de leurs alterations. L'histoire des livres et des conversations lui fournissait de quoi placer, avec un art imperceptible, ce qu'il pouvait de plus obligeant sur la naissance, les emplois, les actions. Son esprit était naturel, brillant, vif, ses reparties promptes, plaisantes, jamais blessantes; le gracieux repandu partout sans affectation; avec toute la futilité du monde, de la cour, des femmes, et leur langage avec elles, 1'esprit solide et infiniment sensé; il en donnait à tout le monde, il se mettait sans cesse et merveilleusement a la portée et au niveau de tous, et parlait le langage de chacun avec une facilité non pareille. Tout en lui prenait un air aisé. Il avail la valeur des héros, leur maintien a la guerre, leur simplicité partout, qui toutefois cachait beaucoup d'art. Les marques de leurs talents pourraient passer pour le dernier coup de pinceau de son portrait; mais, comme tous les hommes, il avait sa contrepartie.
Cet homme si aimable, si charmant, si delicieux, n'aimait rien. II avait et voulait des amis comme on veut et qu'on a des meubles. Encore qu'il se respectat, il était bas courtisan; il menageait tout, et montrait trop combien il sentait ses besoins en tous genres de choses et d'hommes; avare, avide de bien, ardent, injuste…”

Saint- Simon, Mémoires, Portrait du Prince de Conti

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