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Je Maintiendrai

"... Le refus de la politique militante, le privilège absolu concédé à la littérature, la liberté de l'allure, le style comme une éthique, la continuité d'une recherche". Pol Vandromme

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Monday, June 04, 2007


SAINT-SIMON POR CÁ TAMBÉM


“…II faut encore le dire. L'esprit du Roi etait au-dessous du mediocre, mais très capable de se former. Il aima la gloire, il voulut l'ordre et la règle, il était né sage, moderé, secret, maître de ses mouvements et de sa langue ; le croira-t-on ? II etait né bon et juste, et Dieu lui en avait donné assez pour être un bon roi, et peut-être même un assez grand roi. Tout le mal lui vint d'ailleurs. Sa première education fut tellement abandonnée, que personne n'osait approcher de son appartement. On lui a souvent ouï parler de ces temps avec amertume, jusque-la qu'il racontait qu'on le trouva un soir lombe dans le bassin du jardin du Palais-Royal a Paris, ou la cour demeurait alors. Dans la suite, sa dépendance fut extreme. A peine lui apprit-on a lire et a ecrire, et il demeura tellement ignorant que les choses les plus connues d'histoire, d'evenemenls, de for­tunes, de conduites, de naissance, de lois, il n'en sut jamais un mot. II tomba par ce defaut, et quelquefois en public, dans les absurdités les plus grossières […] Jamais personne ne donna de meilleure grâce et n'augmenta tant par là le prix de ses bienfaits. Jamais personne ne vendît mieux ses paroles, son souris même, jusqu'à ses regards. Il rendit tout precieux par le choix et la majesté, à quoi la rareté et la brieveté de ses paroles ajoutait beaucoup. S'il les adressait a quelqu'un, ou de question, ou de choses indifferentes, toute 1'assistance le regardait; c'etait une distinction dont on s'entretenait, et qui rendait toujours une sorte de consideration. II en était de même de toutes les attentions et les distinctions, et des preférences qu'il donnait dans leurs proportions. Jamais il ne lui echappa de dire rien de desobligeant à personne, et, s'il avait à reprendre, à reprimander ou à corriger, ce qui était fort rare, c'était toujours avec un air plus ou moins de bonté, presque jamais avec sécheresse, jamais avec colére, si on excepte l'unique aventure de Courtenvaux, qui a été racontée en son lieu, quoiqu'il ne fut pas exempt de colére, quelquefois avec un air de severitée. Jamais homme si naturellement poli, ni d'une politesse si fort mesurée, si fort par degrés, ni qui distinguat mieux l'âge, le mérite, le rang, et dans ses réponses, quand elles passaient le «Je verrai», et dans ses maniéres. Ces étages divers se marquaient exactement dans sa manière de saluer, et de rece­voir les révérences lorsqu'on partait ou qu'on arrivait. Il était admirable a recevoir differemment les saluts à la tête des lignes à l’armée ou aux revues. Mais surtout pour les femmes rien n'était pareil. Jamais il n'a passé devant la moindre coiffe sans soulever son chapeau, je dis aux femmes de chambre et qu'il connaissait pour telles, comme cela arrivait souvent a Marly. Aux dames, il ôtait son chapeau tout a fait, mais de plus ou moins loin ; aux gens litrés, a demi, et le tenait en l’air où à son oreille quelques instants plus ou moins marqués; aux seigneurs, mais qui l’étaient, il se contentait de mettre la main au cha­peau. Il parlait comme aux dames pour les princes du sang. S'il abordait des dames, il ne se couvrait qu'aprés les avoir quittées. Tout cela n'etait que dehors; car dans la maison il n'etait jamais couvert. Ses réverences, plus ou moins marquées, mais toujours légères, avaient une grace et une majesté incomparables, jusqu'a sa maniére de se soulever à demi à son souper pour chaque dame assise qui arrivait…”

Saint-Simon, Mémoires, Caractère du Roi

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